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Bob Solo nous écrit...

Publié le par Manuel PRATT

Il y a de nombreuses raisons qui font de Manuel Pratt un type carrément à part dans le monde merveilleux de la gaudriole scénique. La plus évidente est cette intransigeance définitive à l’égard de toutes les petites lâchetés, les mesquineries, les renoncements peu glorieux et les compromis plus que douteux régulièrement acceptés par les divers protagonistes de la grande et belle famille du spectacle. C’est suffisamment rare pour être souligné.

Mais il y a bien plus que cela. Il y a le talent énorme du bonhomme, tant l’auteur que le comédien et le metteur en scène. Artiste productif, homme pressé, tendu, vif et incisif, Pratt trace sa route depuis déjà quelques décennies, se posant beaucoup de questions mais ayant aussi répondu à pas mal d’entre elles de façon radicale, se faisant quelques ennemis notoires et assumés, mais réussissant à se constituer un public inconditionnel. Ce type là dérange, décoiffe, dynamite, dépote, décode, déboulonne, déchire, désarçonne. Beaucoup s’en offusquent ou le prétendent, c’est dire à quel point ils ont oublié que c’était la fonction première de l’acteur, du théâtre et de la création scénique en général - en admettant qu’ils l’aient su un jour.

C’est dire aussi à quel point le show business a formaté le public pour lui fourguer les artistes qu’il a également formatés au préalable comme on gave les oies : méthodiquement et sans états d’âme.

Beaucoup plus nombreux sont ceux qui vous diront qu’on ne sort pas vraiment indemne d’un spectacle de Pratt. Qu’on adore ou qu’on déteste, peu importe. Il y a toujours quelque chose qui vous concerne, vous directement, qui vient vous gratter, vous chercher là où vous avez pas spécialement envie justement qu’on vous trouve. Chez lui on se marre, c’est sûr, vrai de vrai, beaucoup - mais pas que. Pour être simple et clair, c’est le genre de « truc » où on s’en prend plein la gueule. Parce que ça parle toujours de nous, les humains et que ça colle de très près à la vie réelle, concrète, épaisse. Parce que Pratt semble à la recherche de sa propre humanité, quitte à en explorer les aspects les plus noirs, quitte à nous tendre ensuite le miroir. Il guette aussitôt vos réactions l’œil allumé et le sourire aussi carnassier qu’attendri.

Faut dire que le gars se trimballe une solide et douloureuse expérience de l’existence. Il l’a même mise en scène*, sans doute pour s’en libérer, avec un mélange de pudeur et de franchise dont la recette à coup sûr ne se transmet que de bouche de sorcier du théâtre à oreille de sorcier du théâtre. Un spectacle où on rie jusqu’à ce que Pratt décide que vous allez pleurer. Et on pleure.

Provocateur, cinglant, engagé, enragé, brillant, il était logique, hélas, que cet artiste là ne soit pas le chouchou des médias dominants, c’est le moins qu’on puisse dire. Il est en fait tout bonnement censuré, ce qui équivaut carrément à une Légion d’Honneur. Car Pratt est en lutte, toujours, partout. « Lutte », ce mot que même Madame la dernière candidate n’emploie plus, contre les crétins de toute espèce, la bêtise sous toutes ses formes. Avec lui, c’est la guérilla permanente. Son champ de bataille, la scène. Et sur scène, il convoque le monde entier. On a du bol qu’il n’ait pas choisi d’autres armes, vu le tempérament batailleur et la précision de tir du gazier. Il y aurait eu comme qui dirait du grabuge.

Quoi qu’il en soit, allez le voir sur scène histoire de mourir moins con. Et pour sortir de la médiocrité artistique et télévisuelle dans laquelle ce pays se vautre comme une grosse vache dans sa bouse, je propose en toute simplicité la création immédiate d’une PrattAcademy, gratuite, laïque et obligatoire !

Là aussi, il y aurait du grabuge. Mais on y verrait plus clair…

*La valse des hyènes, de et par Manuel Pratt.
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